Feuilles d'automne

Nous avons repris une vie presque normale, goûtant les petites choses qui nous ont tant manqué pendant ces interminables mois de confinement, couvre-feu, restrictions diverses.

Il est vrai que chacun a vécu cette période singulière -c'est le terme le plus juste, me semble-t-il-, totalement inédite, de façon différente. Nos amis de province s'étonnaient de mon ressenti ; ils avaient apprécié les retrouvailles familiales ou ces pauses à deux, de même que le bricolage, le jardinage, les bons petits plats, les marches en forêt ou en bord de plage, la convivialité entre voisins... En somme une parenthèse plutôt agréable, reposante, loin du rythme trépidant habituel.

A Paris, rien de tout cela. Les sirènes hurlant à intervalles réguliers, les mines renfrognées des passants, les vitrines fermées, les journées étriquées, les projets arrêtés. Une vie suspendue, en dehors de toute logique, de nos repères habituels. Attendre, espérer des jours meilleurs, rester sereins et mobilisés. En bon petit soldat discipliné, serrer les dents, se dire que bientôt tout cela ne serait qu'un mauvais souvenir, une expérience incroyable -au sens propre du terme : qui aurait cru que l'on vivrait un jour masqués, confinés, stressés ?-

Avec du recul j'ai le sentiment d'avoir été en apnée. En manque. Je n'avais nul besoin de me poser de questions essentielles. J'ai connu le pire, perdre un enfant, je sais depuis longtemps ce qui est important pour moi. Ma famille, des projets porteurs de sens, des amis fidèles et sincères. Ne pas pouvoir embrasser mes enfants, les serrer dans mes bras. Ne pas être libre de sortir, prendre un café en terrasse, aller voir une exposition ou un film. Ne plus voir ses amis. Ne pas avoir de perspectives. S'inquiéter de ce virus qui a toujours un coup d'avance, semble nous narguer et se déchaîne sur la planète.

A la fin du confinement, le 1er jour, en allant déjeuner en terrasse avec une amie (enfin !), j'ai eu l'impression d'une fée qui avait rallumé Paris d'une baguette magique. C'était magnifique. Des sourires éclatants, de la joie et de la légèreté, la Ville Lumière redevenait elle-même. Et nous, Parisiens frustrés, étions pris de boulimie de sorties, de rires, de moments conviviaux. Rien de fou. Et pourtant ! Ces petits riens qui font tout !

Ne l'oublions pas ! Restons vigilants, en pleine conscience. Sachons oublier les bisbilles stériles, les mots inutiles, ne gâchons pas ce temps précieux. La vie est belle mais elle est imprévisible, parfois cruelle, c'est sans doute la leçon à retenir. Pour vivre au présent soyons plus forts, toujours aimants, plus vrais, à l'écoute du monde qui nous entoure. Pour mieux respirer, n'ayons pas peur des mots, de ces livres qui nous portent et nous font vibrer !